Explication de texte
‘’Hernani’’, acte I scène 2
Situation événementielle :
Cette scène vient après que Dona Josefa a caché Don Carlos dans l’armoire de la chambre de Dona Sol.
Découpage en unités de sens qui malgré leurs différences, entretiennent une relation de complémentarité et de dépendance ; l’unité n’a de valeur que par rapport aux autres. C’est dans ce sens- là que nous découpons la scène en six unités :
1/ La première unité de sens concerne l’arrivée d’Hernani tant attendu par Dona Sol.
--Avant l’entrée en scène d’Hernani, les personnages sont plongés dans une grande inquiétude, ce qui est exprimé à travers la brièveté des répliques exclamatives et interrogative, à travers l’interjection « Ah ! ».
--Soulignons tout d’abord la fréquence des didascalies. Si le théâtre classique est un théâtre-dialogue caractérisé par la quasi-absence de didascalies, elles sont très fréquentes dans le théâtre romantique dans lequel elles sont aussi significatives et importantes que les répliques. C’est ainsi que la didascalie « Courant à lui » est tout aussi évocatrice que la réplique « Hernani ! », et elles manifestent toutes deux le grand ravissement de Don à Sol.
--Dans la réplique d’Hernani exprimant sa grande joie et sa grande passion, nous pouvons souligner la grande importance accordée par les romantiques à la perception, toutes les sensations se mêlent dans leurs œuvres, comme c’est le cas ici où on a une présence de sensations visuelle, auditive et tactile. C’est ainsi que la rime tisse un rapport et une association sémantique entre ‘’vois’’ et ‘’voix’’.
--Une autre idée importante, à propos du romantisme, que nous pouvons dégager de l’indignation d’Hernani devant le ‘’Sort’’ qui s’acharne sur lui, c’est que si les romantiques ont rejeté les règles classiques, ils ont bel et bien hérité des grands thèmes tels que : la fatalité, l’amour, la mort… autour desquels s’articule toute la pièce. --Par ailleurs, face au grand enthousiasme d’Hernani, Dona Sol ne s’inquiète que du «manteau» trempé de son amoureux.Ce vocable concret relevant de la quotidienneté la plus immédiate, et jalonnant toute l’unité montre comment le dramaturge a légitimé les mots interdits par le classicisme. La scène n’est désormais plus réservée aux personnages illustres et à leur ton noble. -- Vers la fin de l’unité de sens, nous avons une idéalisation de Dona Sol à travers la gradation « Calme, innocente et pure » et la personnification « Sommeil joyeux » .Cette valorisation de Dona Sol s’oppose à la dévalorisation d’Hernani « au malheureux » que tout abandonne et repousse. ---Si à travers l’exposition, nous sommes informés sur les personnages leur grande passion et leur interdépendance (notre cœur), des mots évoquant les intempéries tels que « tempêtes (répété), nuage, éclairs » peuvent bien à la fin de l’unité évoquer un amour contrarié du couple.
2/ Dans la deuxième unité de sens, Hernani manifeste sa grande jalousie envers Don Ruy Gomez à qui est promise sa bien aimée. --Il est en colère et annonce la première situation de crise entravant sa relation avec Dona Sol. Celle-ci essaie de le détourner de son amertume, mais en vain. Son emportement est souligné à travers la didascalie « amèrement » et à travers le grondement de l’allitération en [r] :
« Comme un larron qui tremble et qui force une porte ». Il montre sa hargne et sa rage contre le duc « vieillard, va t’en donner mesure au fossoyer ». Soulignons aussi un sarcasme s’intégrant à l’atmosphère bien tendue.
3/ Dans la troisième unité, Hernani se met en colère et dévoile son désir de vengeance. La deuxième action est déclenchée :
« Le roi ! Le roi ! Mon père
Est mort sur l’échafaud, condamné par le sien »
--Le contre-rejet ‘’Mon père’’ souligne l’importance, dans la pièce, de ce désir de venger son père. Et c’est à travers une longue énumération que Hernani exprime sa grande haine envers le roi, exprime « Le serment de venger son père » : « Pour l’ombre du feu roi, pour son fils, pour sa veuve, pour tous les siens, ma haine est encor toute neuve !
Lui, mort, ne compte plus. Et, tout enfant je fis Le serment de venger mon père sur son fils.
Je te cherchais partout, Carlos, roi des castilles Car la haine est vivace entre nos deux familles. »
--Une autre information importante au niveau de l’exposition tout à la fin de l’unité, c’est qu’Hernani est « chargé d’un mandat d’anathème ».
4/ Dans la quatrième unité de sens, Hernani donne à Dona Sol la liberté de choisir :
« Il faut choisir des deux : l’épouser, ou me suivre. »
Et malgré ses différentes tentatives de la dissuader, Hernani n’arrive pas à faire renoncer Dona Sol à sa décision de le suivre et elle ne cessera de répéter sans hésitation : « Je vous suivrai. ». --Tout au long de l’unité, Hernani ne renoncera pas à la convaincre en opposant la rudesse de sa vie de proscrit à toute la renommée, la notoriété, la richesse, le confort que le Duc peut lui offrir. Mais la gradation employée s’avère sans résultat devant l’entêtement et la grande passion de Dona Sol :
« Et pour le rang, l’orgueil, la gloire et la richesse, Mainte reine peut- être enviera sa duchesse. Voilà donc ce qu’il est. Moi je suis pauvre et n’eus, Tout enfant, que les bois où je fuyais pieds nus. »
5/ Dans l’unité suivante, le roi Don Carlos sort de sa cachette et affronte le bandit Hernani en duel. La bienséance est carrément transgressée. -- Par ailleurs, le roi devient détonateur de comique s’alliant au tragique.
-- Le roi s’avère être le second rival entravant la passion du couple. Le déclenchement de la première action est au complet. -- A la fin de l’unité de sens, Hernani évoque la seconde action qui se mêle à la première, en répondant à Don Carlos qui lui demande son nom : « Je le garde, secret et fatal, pour un autre Qui doit un jour sentir, sous mon genou vainqueur, Mon nom à son oreille, et ma dague à son cœur ! »
6/ Enfin, dans la dernière unité de sens, affolée Dona Josefa, vient annoncer l’arrivée du Duc. --Son entrée en scène bafoue la règle classique consistant à changer de scène à l’entrée et/ou à la sortie d’un ou de plusieurs personnages. --Le rythme saccadé des répliques des personnages souligne leur affolement. --les expressions prosaïques s’allient au langage poétique : « Ah ! Tête et sang ! Monsieur, vous me paierez ceci ! ».