mardi 12 mai 2020

Initiation aux "Caprices de Marianne" de Musset .



                               Initiation aux « Caprices de Marianne » d’Alfred de                                                                                   Musset. 
  
        Cette initiation s’articule autour de quelques idées fondamentales et nécessaires à une bonne compréhension de l’œuvre : 
 
1/ Pièces fondamentales d’Alfred de Musset :  « Les Caprices de Marianne », comédie en deux actes ayant toutes les caractéristiques du drame, publiée en 1833 ;  « On ne badine pas avec l’amour », comédie en trois actes, publiée en 1834 ;  « Lorenzaccio », drame en cinq actes, publié en 1834 ;  « Fantasio », comédie posthume en deux actes, publiée en 1834 et Créée en 1866. 

2/ « Un spectacle dans un fauteuil » : 
   Le théâtre d’Alfred de Musset, comme il le définit lui-même, est « un spectacle dans un fauteuil ». L’auteur informe le lecteur, que ses pièces sont destinées à la lecture. La dimension esthétique du texte est, ainsi, mise en valeur au détriment de la théâtralité et de la mise en scène. 

3/ Analyse du titre « Les Caprices de Marianne » :  On entend généralement par le mot « caprice », une décision soudaine et irréfléchie. 
 
 Les caprices de Marianne dans la pièce d’Alfred de Musset se résument à : 
 
-- elle décide de chercher un amant ; Coelio lui déplait, et elle est séduite par Octave qu’elle essaie, tout au long de la pièce, de séduire ; -- elle lui donne un rendez-vous ; -- elle lui déclare son amour, tout près de la tombe de Coelio. 

 4/ une ambiguïté volontaire : 
   Cette ambiguïté, bien chère au dramaturge, est en fait un procédé moderne incitant le lecteur à lire et à relire, pour bien saisir.  
Signalons quelques idées témoignant de cette imprécision caractéristique de l’œuvre de l’auteur des « caprices de Marianne » : 
  Naples, dans la pièce, est le fruit de l’imagination la plus fantaisiste de l’auteur égarant le spectateur/lecteur ;
  Le féminisme de Marianne nous installe au dix-neuvième siècle, alors que l’évocation des sérénades nous situe au moyen âge ou à la renaissance ;  
 Les noms des personnages de la pièce basculent entre des noms français (Marianne, Octave) et des noms italiens (Coelio, Tibia, Claudio… ! S’agit-il de la France ou de l’Italie ?  
 C’est dans cette perspective aussi, que nous pouvons saisir les fréquents lieux évoqués, volontairement et sarcastiquement indéterminés, tels que « une rue », « une autre rue » … Décidément, le dramaturge fait tout pour nous égarer et nous empêcher de nous fixer dans un lieu ou dans un temps bien déterminé. 
  
5/ Un passé refuge :   
    Pour échapper à la censure de leur époque, les romantiques ont souvent dissimulé la dénonciation des tares de leur société, derrière leurs habituelles références trompeuses à un passé lointain et salutaire. Toutefois, l’œuvre de Musset, entre autres, a été censurée. Ce n’est qu’en 1851 qu’elle a pu enfin être représentée, avec la suppression de tous les passages compromettants.                                                                                             
6/ L’auteur et ses personnages : 
 Marianne :    C’est par l’intermédiaire de son personnage qui est parfois son porte-parole, que le dramaturge dénonce, dans sa pièce, la condition défavorable et dégradée de la femme au dix-neuvième siècle par Marianne féministe. C’est ainsi qu’elle affirme à Octave, toute indignée, dans la première scène du deuxième acte : 
   « Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? Voyez un peu ce qui m’arrive : il est décrété par le sort que Coelio m’aime, ou qu’il croit m’aimer, lequel Coelio le dit à ses amis, lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je serai sa maitresse. ». Et elle ajoute sarcastiquement : 
    «     Qu’est-ce après tout qu’une femme ? L’occupation d’un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu’on porte à ses lèvres et qu’on jette par-dessus son épaule. Une femme ! c’est une partie de plaisir ! ...». 
 
 Coelio et Octave :   Sont les deux faces de la personnalité de Musset : comme Coelio, Musset a toujours été un idéaliste en quête d’un amour idéal et unique, et il a de même été un grand libertin, comme son personnage Octave. 
 
 Claudio :    Ce juge, abusant de ses pouvoirs et se transformant, à la fin de la pièce, en criminel impuni, permet au dramaturge de dénoncer l’injustice sociale de son époque  
 
 
 
 
                                                                                                                                                                 
 
 
                               La transgression des règles classiques fondamentales dans                                                                           «  Les caprices de Marianne » d’Alfred de Musset.  
 
      La violation des règles classiques, est parmi les caractéristiques les plus éminentes du romantisme, c’est ce que nous allons étudier dans l’œuvre de Musset : 
 
 La pièce d’Alfred de Musset est écrite en prose, et s’articule autour de deux actes, en bafouant ainsi les deux règles fondamentales du classicisme. A ce propos, Jacques Scherer écrit dans « La dramaturgie classique en France » :   
 
« Le grand goût (…) exige donc, que la pièce comique ou tragique, comprenne cinq actes. Il exige aussi qu’elle soit en vers (…) Il n’y a pas d’esthétique de la pièce de théâtre en prose à l’époque classique ».  
 
 Quant à la fameuse règle des trois unités, elle est ainsi enfreinte : 
     1/ Dans la pièce de Musset, à l’encontre de la règle classique de l’unité de lieu imposant un seul décor et un seul lieu, le dramaturge change de lieu en passant d’une scène à une autre : -  Premier acte, première scène : ‘’une rue devant la maison de claudio’’ ; -  Premier acte, deuxième scène : ‘’la maison de Coelio’’ ; - Premier acte, troisième scène : ‘’le jardin de claudio’’ ; - Deuxième acte, première scène : ‘’une rue’’ ; - Deuxième acte, deuxième scène : ‘’une autre rue’’ ; - Deuxième acte, troisième scène :’’ chez Claudio’’ ; - Deuxième acte, quatrième scène : ‘’chez Coelio’’ ; - Deuxième acte, cinquième scène : ‘’le jardin de Claudio – Il est nuit.’’ ; - Deuxième acte, sixième scène : ‘’un cimetière’’. 

   2/ L’unité de temps classique impose une durée de 24 heures à toute histoire représentée. C’est ce qui est respecté jusqu’à la cinquième scène du deuxième acte. Cependant, la dernière scène se déroulant dans « un cimetière » vient tout remettre en question tout en supposant une durée indéterminée, dépassant largement une journée. 
  3/ En ce qui concerne l’unité d’action, dans « Les caprices de Marianne », nous avons deux actions essentielles autour desquelles s’articule toute la pièce, au lieu d’une seule action principale :  
a / L’amour voué par Coelio à Marianne ; 
b / L’amour voué par Marianne à Octave. 
     D’autres actions secondaires viennent, de même, se rattacher à ces deux actions dans une « unité d’ensemble », telles que : l’amitié entre Coelio et Octave, les soupçons de Claudio à l’égard de sa femme, et le libertinage d’Octave.  
 
 La vraisemblance, comme nous l’avons vu précédemment, est intentionnellement enfreinte dans la pièce par cette imprécision bien voulue par le dramaturge refusant de donner l’illusion du vrai. 
 
  La règle de bienséance n’est pas, de même, respectée : 
       a/ le non-respect de la bienséance externe : 
        En fait, si la pièce a été censurée, c’est à cause de quelques passages      choquants enfreignant toute bienséance, tels que : 
    -- le fait de ridiculiser un notable ou un juge et d’en faire un criminel ; 
    -- l’immoralité de Marianne, une femme mariée cherchant un amant ;  
    -- Octave prônant son libertinage, dans un état d’ivresse ; 
       Voilà autant de passages choquant le bon sens du spectateur. 
     b/ « les caprices de Marianne » n’obéit pas non plus à la règle de la bienséance interne : 

   En effet, dans la pièce de Musset, les personnages ne gardent pas un caractère stable : 
          -- Octave apparait au début de la pièce comme un libertin joyeux prônant  son libertinage, mais il renoncera à cette manière de vivre. 
         -- Marianne apparait au début comme une femme mariée, bien vertueuse et    pieuse, « un livre de messe à la main ». Cependant, elle ne tardera pas à se métamorphoser en une femme capricieuse, à la recherche d’un amant. 
       -- Claudio n’agit pas selon son statut social de juge censé combattre toute forme de criminalité. C’est ainsi qu’il organisera, lui-même, l’assassinat de Coelio.  
 
 Mentionnons une autre règle classique transgressée : tout au long de la pièce, les personnages entrent et sortent comme bon leur semble, sans aucun changement de scène, comme le veut la règle. 
              
           Voilà enfin, à l’instar de tous les drames romantiques, comment, dans « Les caprices de Marianne », les plus importantes règles classiques, entre bien d’autres, sont enfreintes.